dimanche 25 décembre 2022

Les décors à "fenêtres"

 La création de "fenêtres" pour le décor d'un livre est une pratique intéressante et souvent assez spectaculaire. Par "fenêtre", j'entends par là une découpe dans la couvrure laissant apparaître une composition (peinture, msoaïque...), exprimant le vrai thème de l'ouvrage.

Paris sera toujours Paris

 La réalisation qui suit n'est pas à proprement parler une reliure, mais une jaquette destinée à habiller un livre neuf. Pourquoi une jaquette ? Précisément pour ne pas abimer si peut que ce soit un ouvrage d'une certaine qualité, qui, en état neuf, mérite d'être conservé comme tel.

 "Paris 1860" est un ouvrage broché moderne qui rassemble 18 poèmes de Baudelaire, extraits des "Fleurs du mal", évoquant  (plus ou moins) Paris, la ville, ses humeurs..., illustrés par des reproductions de 19 eaux-fortes de Meryon, reprises du "Notre Dame de Paris" de Victor Hugo.

J'ai choisi cet ouvrage en vue d'un petit exercice de style, qui par ailleurs comportait pas mal de difficultés techniques.


La jaquette est constituée d'une cartonnette essentiellement revêtue d'une peau noire lisse. Elle peut être dépliée intégralement pour libérer l'ouvrage.

 


A l'intérieur d'un cadre circulaire en relief, la peau est évidée de façon à laisser apparaître, à travers un motif en forme de ferronnerie (en fait du cuir noir sur forme de carton ouvragée), des motifs colorés évoquant, en partie haute, des vitraux (référence aux vitraux de Notre-Dame de Paris), et en partie basse, une peinture acrylique présentant quelques monuments de Paris. Le centre est occupé par une évocation de la Seine avec la Cité et l'Ile Saint Louis, et un médaillon emblématique de la ville ("fluctuat nec mergitur").

Le dos est traité dans une peau vermillon et porte le titre et les auteurs.

Les rabats de la jaquette sont habillés d'un papier à la cuve traditionnel, et sont tels que, repliés, ils referment entièrement les contre plats, comme un véritable livre.


 

 

Le devisement du monde (Marco Polo)

Le livre de Marco Polo, autrement connu sous le titre: le devisement du monde" relate les voyages que l'auteur, emprisonné à Gênes, dicta dans sa cellule à son codétenu Rusticello. L'ouvrage m'a donné une autre opportunité de créer un décor à "fenêtre" (qui en l'occurence est une porte), ouvrant sur un tableau réalisé à la peinture acrylique sur papier.

Sur fond de basane marron, le décor représente une porte ottomane (cuir ocre), s'ouvrant sur une peinture représentant les trois Polo (Père fils et oncle) quittant Venise à cheval, en vue d'atteindre la Chine. Le deuxième plat porte une petite incrustation en étoile ouvrant sur la peinture d'une pagode.. La simulation d'un carrelage de faïence bleue est réalisée par à l'aide de caractères et d'une palette appropriés, appliqués à chaud sur rubans or et gris. 


Les gardes-couleur sont constitués d'un papier à motif de brocart, pour renforcer l'aspect "vénitien" de l'ouvrage.


Des fenêtres", mais aussi des portes

De la fenêtre puis à la porte ouverte, il n'y a plus qu'un pas jusqu'à la porte... fermée (c'est un peu tiré par les cheveux, j'en conviens), mais je ne peux pas rater l'occasion.

L'ouvrage ci-contre:  "La fermeture", d'Alphonse Boudard, est en fait une critique en règle de la loi de 1946 dite "Loi Marthe Richard", qui décréta la fermeture des "maisons closes", alors florissantes dans l'hexagone.

Ce titre m'a inspiré pour un habillage basé sur l'image d'une porte close.

 

La reliure (photos ci-dessus) se présente ainsi sous l'aspect d'un immeuble "haussmanien", dont la porte principale est condamnée par une chaîne. La toile grège qui recouvre l'ensemble de l'ouvrage simule une façade simplement crépie, sur laquelle se détache la porte qui en est l'élément principal.
La porte et son entourage sont "sculptés" dans un empilage de cartons recouverts, pour la porte, d'un cuir carmin lisse simulant un bois peint, pour l'entourage, d'une feuille de plastique simulant un marbre. Le modelage précis des éléments est obtenu par pression sous émalène.


Les photos ci-contre précisent quelques détails du décor (cliquer dessus pour agrandir). Les titres sur le plat et au dos sont traités dans le style de plaques de rue, par dorure au ruban blanc sur fond de cuir bleu. La chaîne de fermeture est prélevée dans un simple cordon doré.

Un détail particulier concernant cet ouvrage, non visible sur les photos, réside dans la construction de la reliure, le livre étant initialement un livre broché, donc non cousu.

Le principe de construction, résumé par le croquis ci-dessus, a été plus amplement développé dans ce blog à la date du 15 Avril 2020, sous le titre "Relier des livres brochés, d'autres "méthodes". Je rappellerai qu'une autre méthode alternative, moins laborieuse, a été proposée le 27 Février 2018 sous le titre "Des livres brochés, aux dos arrondis".

mardi 20 décembre 2022

Un livre double...par nécessité !

J'ai déjà évoqué dans ce blog le sujet du "livre double", suite à des discussions que j'ai eues avec Bruno, un correspondant lecteur de ce blog, qui en avait réalisé un (v. article du 13 Novembre 2021) . J'ai appris depuis que ce type de livre était connu sous le nom de "livres siamois".                            

De mon côté, l'opportunité d'en réaliser un m'est venue lorsque j'ai dû à dépanner un collègue, Philippe, dont le livre, réparé de tant d'onglets, se présentait avec un dos 2 fois plus épais que le livre lui-même. Je lui ai proposé à ce moment 2 solutions, celle du livre-boite, et celle du livre-double.        L'idée du livre-boite n'a pas été retenue, mais n'a pas été perdue cependant, comme le prouve mon article du 7 Mai 2022. Mais c'est finalement la solution du livre double que Philippe a préférée, et pour laquelle j'ai joué le rôle de conseiller. C'est le résultat de cette opération qui est présenté ci-après.     

Le livre présenté ci-contre étant écrit en bulgare, je m'avoue incapable d'en lire le titre; selon les dires de Philippe, il s'agirait d'une "Vie des Saints", écrite dans un parler bulgare apparenté au "vieux slave"

Pourquoi faire deux livres de cet ouvrage unique ?   Comme il été dit plus haut, après de nombreuses réparations, le dos se présentait comme 2 fois plus épais que le livre. D'où l'idée de le scinder en deux et d'associer les deux moitiés "dos à dos", de façon que les épaisseurs  excédentaires  se compensent. 

 

 

 

Les photos ci-après de l'ensemble fini, vues côté tête, permettent de comprendre la nature du problème, et la solution qui a été retenue. En additionnant par la pensée les longueurs d'arc des dos visibles sur la photo de gauche, à comparer avec l'addition des épaisseurs des deux parties, on comprendra aisément la  problématique initiale.

Ici, la solution, entreprise par Philippe avec mon aide, a suivi les mêmes principes que dans l'article du 13/11/2021, qui se résument à la construction classique de deux livres, sauf que les 2èmes plats de chacun ne font qu'un.

L'ensemble des trois vues ci-dessous montre d"abord, à gauche, la face qui est identique pour les deux parties. En fond la première partie du livre est vue de dos, mais le livre étant partiellement déplié, fait apparaître l'intérieur de la 2ème partie. En médaillon inférieur, la deuxième partie, également vue de dos, laisse apparaitre à  demi-ouvert l'intérieur de la première.

Sur les plats, les motifs byzantins dessinés par Philippe sont réalisés à l'aide de cartonnettes découpées au Laser (cf article du 13/11/2022), logées sous le cuir par pression à l'émalène. Les dorures ont été sous-traitées chez un doreur professionnel. 

En conclusion, il faut en convenir, le résultat souffre un peu défaut structurel initial de l'ouvrage, mais l'objectif de "sauver" la situation paraît à peu près atteint.

dimanche 13 novembre 2022

Premier bilan de la découpe Laser

 Depuis longtemps, je souhaitais pouvoir explorer les usages potentiels de "la découpe Laser" pour certains travaux de reliure, en particulier pour les tâches liées à la "décoration du livre". Cet article rassemble les résultats d'une séquence d'essais techniques sur le sujet, réalisés au "Fablab" de Vigneux-sur-Seine, depuis Avril dernier.

A priori, la découpe Laser permet d'espérer des résultats intéressants, en ce sens qu'elle concerne fondamentalement le travail de surfaces planes, qui seules peuvent trouver leur place sur les plats d'un livre. Notons cependant que cette technique est en concurrence avec une autre technique de découpe (Cricut, Scancut...) utilisant une lame (type lame de scalpel), pilotée par ordinateur, technique que je me réserve d'explorer ultérieurement.

Précisons par ailleurs qu'une machine de découpe Laser peut également permettre une opération de "défonçage", c'est à dire qui ne traverse pas le support et réalise alors une forme en creux, de profondeur constante, dans un support suffisamment épais (ex. carton de reliure). Les photos 2-3 (paragraphe 2) montrent un exemple de "découpe" et 11 (par. 4) un exemple de "défonçage".

Il est clair qu'un atelier de reliure ne saurait disposer d'une telle table de découpe Laser, très encombrante et d'usage restreint. Néanmoins, on trouve de plus en plus ce type d'outil dans ces structures publiques appelées "Fablab", dont la vocation est de diffuser les outils numériques vers les PME, les associations, etc; accessibles aux particuliers pour des tarifs d'inscription modiques.

Précisons d'abord que la découpe Laser est commandée  par des logiciels installés sur des ordinateurs. Cette pratique suppose donc un apprentissage des logiciels, partiellement assuré par les animateurs des "Fablab", mais qui nécessitent quand même une "prise en main" personnelle par le pratiquant. Personnellement, j'ai dû m'investir dans 2 logiciels: "Inkscape" qui est un logiciel performant de dessin 2D, et "Rdworks", plus élémentaire, qui commande l'exécution par la machine. Notons que ces 2 logiciels sont accessibles gratuitement sur Internet. Il est possible qu'en fonction de la machine Laser considérée, ce soient d'autres logiciels qui devront être mis en œuvre.

1. Généralités sur la découpe Laser

Donnons d'abord quelques généralités sur le processus Laser. La découpe laser procède d'un rayon très fin qui "brûle" localement le support. Ce principe peut éliminer certains choix de matériaux, dont la combustion serait potentiellement nuisible sur le plan environnemental. Pour la reliure, carton, cuir, plexiglas sont acceptés. Certains types de plastique pourraient par contre être refusés.

 Le processus a deux effets dont il conviendra de tenir compte; le premier sur le plan géométrique, le deuxième sur le plan de l'aspect.

Sur le plan géométrique, le "brûlage" se traduit par une légère diminution dimensionnelle sur tout le bord de la découpe. L'essai suivant donne cette valeur pour un cas "standard". 

 On découpe une série de 10 rectangles dimensionnés en largeur à 20mm à partir du logiciel. Après réassemblage des rectangles, l'ensemble ne mesure que 196mm (photo 1). La brûlure occasionne donc une perte de  4/10mm par rectangle, soit 2/10mm de chaque côté. A noter que le résultat obtenu est le même si, plutôt que de découper 10 rectangles projetés à 20mm, on découpe une bande de 200mm en 10 parties. La conclusion est que la découpe détruit une largeur de 4/10mm de matériau, soit 2/10 de chaque côté de la coupe.

Sur le plan de l'aspect, la découpe Laser laisse un effet de "brûlé" sur les bords, particulièrement visible pour le cuir. Cet effet est sans conséquence pour une pièce de carton qui serait par la suite "habillée" de cuir. Pour une pièce de cuir décorative, sauf à accepter cet effet comme un effet de style (style "trait de crayon), une idée simple consiste à inverser la pièce de cuir sous le faisceau, et conséquemment inverser le dessin (qui peut être du texte), lors de l'étape de conception en 2D (Inkscape).

Afin d'explorer les possibilités du système pour la reliure, je me suis proposé une série d'objectifs qui, soit sont pénibles, soit carrément impossibles à réaliser à la main. Plus précisément, j'ai considéré les questions suivantes:

- Découpe de titres en carton, à habiller (en général de cuir sous pression à l'émalène)

- Réalisation de titres en cuir, en relief ou incrustés

- Découpe de cuir et/ou cartons de formes complexes

2. Réalisation de titres par découpe de carton

La découpe de lettres dans du carton, même assez épais (ex les cartons des grands calendriers de bureaux; épaisseur 1,5mm env) est directe (ph. 2 et 3). Le texte s'écrit directement, comme sous "word", dans toutes les polices possibles. La hauteur des lettres ne devra guère descendre au dessous de 10mm (ph.3).


Une possibilité consiste à coller les lettres directement sur le plat  du livre et habiller l'ensemble avec du cuir, sous pression à l'émalène (ph.4). Si l'on juge le titre trop peu visible, on peut opérer un certain blanchissement des lettres par un léger ponçage de surface, ce qui augmente leur visibilité.

Une autre possibilité consiste à "habiller" indépendamment chaque lettre d'un cuir fin sous pression à l'émalène. La lettre doit ensuite être découpée au scalpel à sa base, le scalpel légèrement rentrant sous la lettre. Cette opération est relativement délicate, et génère des "accidents" qu'il convient de masquer à la peinture. Ces lettres ainsi préparées peuvent alors être directement collées sur un plat pré-décoré. Sur la photo 5, les lettres ont été insérées dans des décaissements (voir ex. de "décaissement" ph.11) de même forme que la lettre. Dans ce cas, il faut prévoir pour ce décaissement un dessin légèrement "augmenté" par rapport à la police de base (+3/10mm), à l'aide de la fonction "décalage lié" (offset) disponible dans Inkscape, afin de tenir compte de l'épaisseur du cuir. Noter que cette fonction ne réalise pas une homothétie, qui ne convient pas, mais ajoute une bande de largeur constante sur tous les bords extérieurs de la découpe.

2. Réalisation de titres en cuir insérés bord à bord

Un titre peut être découpé directement dans du cuir et inséré dans le décor d'un plat. 

La découpe d'un titre génère en général des lettres séparées (ph.6) qu'il conviendra de redisposer pour reformer le titre. On ne descendra guère au dessous de 8mm de hauteur pour une police donnée.

En réalité, la découpe directe produit des effets de "brûlé" au bord des lettres. Sauf à accepter cet effet comme un effet décoratif (effet dessin au crayon), on s'en débarrasse en attaquant la découpe sur l'envers du cuir, moyennant une inversion du titre (effet miroir) au niveau du projet. La photo 7 montre d'ailleurs l'effet de brûlé" ainsi renvoyé sur l'envers des lettres.

Certaines polices produisent une écriture continue (ph.8) sans rupture entre lettres. Le logiciel permet de disposer cette écriture suivant une courbe arbitraire, ce qui produit des effets d'écriture manuscrite assez convaincants.

Dans la solution bord à bord le cuir de couvrure est évidé par découpe Laser suivant le tracé du titre (ph.9). Les lettres à insérer sont découpées dans un cuir de couleur différente, avec une augmentation (décalage lié) de 2,5/10 sur leur pourtour. Le décalage rattrape l'espace brûlé à la découpe. Les lettres s'enchassent alors très exactement bord à bord dans leurs logements (ph.10).

 3. Réalisation de titres en cuir insérés en creux

La photo 12 présente une utilisation de lettres insérées dans des décaissements appropriés.Un carton est creusé ("décaissement") suivant le tracé du titre moyennant une augmentation du profil des lettres (option "décalage lié") de 3/10 sur leur pourtour (ph.11). L'ensemble est recouvert d'un cuir et pressé à l'émalène (ph.13). Les lettres sont ensuite logées dans les creux (ph.12).

De cette prospective sur la confection de titres par découpe Laser, les solutions 10 puis 12  me paraissent ressortir comme les plus convaincantes.

4. Découpe de formes complexes.

La découpe de formes complexes passe évidemment par une bonne connaissance du logiciel 2D, plus approfondie que pour les titres, qui, eux, sont prédéfinis par le logiciel (polices de caractères. Elle est cependant intéressante pour toutes les situations où une même découpe devra être répétée un certain nombre de fois (cas d'ouvrages en plusieurs volumes, par ex.), et également pour la création de motifs géométriques, le logiciel autorisant toutes les opérations proprement géométriques (droites, cercles, symétries...) avec une précision parfaite.

La photo 15 montre ainsi un carton dans lequel a été prélevé un motif de forme byzantine, lequel a servi à former un relief après recouvrement par un cuir. La forme de découpe externe est reproduite à partir de la forme interne par simple "décalage lié".

La photo 14 montre un cadre devant servir de "médaillon" pour une figurine. Elle est construite à partir de 3 épaisseurs de carton superposées puis poncées. Les parties de l'ovale sont 4 cercles parfaits symétriques par paires. Les 3 cartons superposés sont de largeurs décroissantes par utilisation du "décalage lié" à partir du premier.

Une potentialité particulièrement intéressante concerne la découpe de formes "compliquées". L'exemple suivant a été choisi pour mettre le processus "à l'épreuve" (fig 16), et accessoirement retenu pour le décor d'un livre. Les lobes de l'étoile sont "presque" identiques, sauf leurs bords qui sont de formes volontairement "tarabiscotées". Après découpe, les formes doivent s'assembler parfaitement. Le résultat de l'assemblage apparait assez convaincant.

 






samedi 7 mai 2022

Livre-boîte ou boîte-livre ?

 C'est une nouvelle fantaisie que je propose ici: un livre-boîte, ou une boîte-livre, enfin un vrai livre qui ressemble à une vraie boîte. 

L'idée de cette fantaisie m'est venue d'abord pour tenter de dépanner un collègue dont le livre, réparé de tant d'onglets, se présentait avec un dos 3 fois plus épais que le livre lui-même. 

Un prototype fictif de livre-boîte a bien été réalisé (photo-ci-contre), mais le collègue a finalement opté pour une autre solution. Cependant l'idée est restée.

L'occasion de mettre l'idée en application s'est présentée pour l'ouvrage classique "l'art du livre en France", des auteurs Calot, Michon et Angoulvent,  livre que je voulais préserver en le reconstruisant sans colle, donc sans l'altérer si peu que ce soit, moyennant une couture directe sur la mousseline (cf. mon article du 30/05/2020).

Ce premier essai technique de ce type de couture ayant conduit à un ouvrage un peu "mou", (des progrès ont été faits depuis pour un autre livre), la solution était soit de le reprendre, soit de tenter l'idée de la "mise en boîte". L'idée était suffisamment excitante pour que Camille, qui (comme les c..., bien sûr) ose tout (c'est à ça qu'on les reconnait ! cf Audiard), saute sur l'occasion.

Pour sûr, les auteurs de "l'art du livre" ont dû se retourner dans leurs tombes de voir leur sujet ainsi traité.

  La photo ci-dessous montre le résultat de l'opération, sous l'apparence d'une boîte fermée, avec le titre du livre sur le premier plat.

Techniquement, la construction ne présente pas de difficulté particulière. En fait le livre est construit normalement, avec cependant des plats plus larges que la normale (par ex 1,5cm sur chaque bord), de façon à ménager la place des parois.

On prévoit pour le 2ème plat des parois de même hauteur que l'épaisseur du livre , et pour le premier plat des baguettes basses, par ex de hauteur 7mm. Ces baguettes doivent venir se loger à l'intérieur des parois lors de la fermeture. Par précaution, j'ai prévu deux "poteaux" de renfort aux angles des parois, visibles sur les photos en fin d'article.

 

La photo ci-contre montre les deux plats et la boîte ouverte, debout sur son chant, totalement solidaire de l'ouvrage.


La dernière photo montre le livre ouvert, à plat, qui peut être lu normalement jusqu'à la dernière page.

Les autres images de la photo montrent plus précisément les éléments d'emboitage;soit  au premier plat les 3 baquettes basses qui viennent s'encastrer à l'intérieur des 3 parois hautes du 2ème plat.

Au bilan, un livre précieux qui se voulait intégré à sa propre boîte de protection; le contrat est-il rempli ?

Au lecteur d'en juger ...

mardi 14 décembre 2021

Restaurer des tranches dorées; un challenge "osé"

  L'ouvrage ci-après, représenté après restauration, posait un double challenge, dès lors qu'il devait être recousu.

D'abord, je souhaitais le réemboiter directement dans sa reliure d'origine, sans fendre les mors, ensuite je souhaitais retrouver les tranches dorées, avec quasiment l'aspect de miroir qui avait dû être les leurs. 

Pourtant l'ouvrage devait nécessairement être recousu. Sa construction initiale était basée sur une de ces innombrables techniques industrielles qui ont été essayées à la fin du XIXème, et pour certaines ont eu peu d'avenir. Dans le cas présent, il s'agissait d'un montage sur cahiers à 2 feuillets, agrafés sur une mousseline. Avec le temps, les agrafes ont rouillé, détruisant la mousseline et le fond des feuillets externes. Avec plus de 40 onglets à prévoir, l'objectif d'une couture qui "ne monte pas" côté dos était inaccessible. Par ailleurs, la pratique m'a montré qu'une couture classique préservait rarement les tranches dorées dans leur aspect "miroir" d'origine, en raison des inévitables décalages de cahiers, surtout en gouttière.

La méthode qui a été appliquée à de quoi surprendre. Elle s'inspire très directement de la méthode de reliure "à fils noyés", exposée dans mon article du 27 Février 2018 " Des livres brochés...aux dos arrondis". Je rappelle son principe de base, qui s'applique à un livre formé de pages séparées. Le bloc de pages est "griffé" d'un certain nombre de fentes sur le dos, puis mis en forme sur un cylindre côté gouttière. Après arrondissure du dos (non collé), des fils sont passés dans les fentes et enfin noyés dans une couche de colle. La suite est classique: mousseline, cartons, etc... La méthode a été explicitée également dans le numéro de Mai-Juin 2020 de la revue "Arts et Métiers du Livre", pages 29 à 31.

La seule différence dans le cas présent est que les feuilles, à l'origine, ne sont pas libres. Qu'à celà ne tienne, il suffisait de séparer les paires de feuilles des feuillets*, éventuellement au scalpel, quoique généralement, il suffit de suffit de tirer dessus à partir du haut.

L'idée est osée, certes: plutôt que de reconstruire les feuillets avec des onglets, on les déconstruit !!!

Et pourtant ça marche. On comprendra facilement qu'il n'y a pas pratiquement pas d'augmentation du dos, puisqu'il n'y a ni onglets ni fils de fonds de cahiers. Par ailleurs, si le bloc de feuilles est soigneusement "tassé" sur une surface plane, côté tête, et sur un cylindre, côté gouttière, les tranches dorées sont parfaitement restituées.

La photo ci-contre montre le résultat de l'opération, côté tranche de tête. On voit que le glacis doré est assez bien restitué, et que le dos de l'ouvrage n'a pas "monté", ce qui a permis de le réemboîter dans sa reliure sans fendre les mors.


 

La photo ci-dessus est une vue côté "gouttière". Là encore le doré est assez bien restitué, ce qui est difficile par une couture traditionnelle.

* Notons que l'on peut ne pas déconstruire les feuillets les plus intérieurs des cahiers, soit un sur deux dans le cas présent. Par contre il est impératif qu'il ne reste pas de feuillets emboîtés, sans quoi les feuillets intérieurs ainsi emboîtés ne seraient pas collés.


samedi 13 novembre 2021

Des livres à double entrée

 

Bruno est un correspondant de province, lecteur de ce blog, qui s'étant lancé dans une réalisation assez curieuse, m'a proposé de le suivre au cours de son travail. 

Séduit par le côté "drôle" de ce projet, je ne peux résister à le présenter.

Le challenge consistait à construire un livre à 2 entrées, en quelque sorte comme deux livres collés dos à dos. Sur le sujet, Bruno m'a fourni une documentation importante, qui montre que la chose a eu son heure de gloire.

Les photos ci-contre et ci-dessous montrent quelques réalisations anciennes, de la période XVIème-XIIème siècle.

 Ces ouvrages étaient en général des ouvrages religieux: ancien testament vs nouveau testament, nouveau testament vs livre des psaumes, de sorte que l'officiant de la messe pouvait disposer des deux textes en un seul livre... 

Les photos ci-dessus montrent des exemplaires dos-à-dos simples, mais on voit sur les photos ci-contre à droite que l'idée a été étendue à à des groupes de 5 volumes, voire 6 comme sur la dernière image.

Evidemment, l'idée n'est pertinente que pour des ouvrages qui s'y prêtent, comme par exemple un dictionnaire "français anglais" dans un sens, "anglais français" dans l'autre... 

En l'occurence, Bruno a déniché  deux ouvrages de la collection Gibert Jeune: "Satire contre les femmes" de Boileau, (une compilation de portraits de "mauvaises femmes" - ça existe) et "Satire contre les hommes", de Regnard (fin XVIIème), (un petit poème qui nous révèle que certains maris sont des mufles - est-ce possible ?), suivi de "L'apologie des femmes" de Charles Perrault (fin XVIIème), (autre poème portrait de la femme idéale d'antan - mais pas vraiment d'aujourd'hui !). 

 Quelle belle idée pour en faire un livre à deux entrées !

Les photos ci-contre montrent le résultat de son travail. La principale difficulté consistait dans la conception du plat médian. Au final, un travail de qualité.

 Merci Bruno ! Une idée dont je ne manquerai pas de tirer profit!

jeudi 4 mars 2021

Deux matériaux pour la création (reliefs)

La reliure de création passe souvent passe l'élaboration de reliefs, généralement apposés sur le premier plat de l'ouvrage comme décor. Pour préserver la maniabilité de l'ouvrage, ces reliefs ne peuvent être profonds, et pourraient aussi bien être qualifiés de de "bas-reliefs".

Le principe de réalisation est simple: 

    1. Sculpter le sujet dans un matériau adapté

    2.  Habiller la sculpture ainsi créée par collage d'une peau sous pression à l'émalène. La peau peut être directement la couvrure générale de l'ouvrage. Ou bien ce peut être une peau indépendante collée sur la sculpture. Dans ce dernier cas, le sujet ainsi "habillé" devra être inséré dans une décaissement du carton de couverture.

Dans tous les cas, la question se pose du choix du matériau de sculpture. Il existe certainement beaucoup de possibilités, à choisir soit dans des matériaux usuels, soit parmi les fournitures pour l'artisanat. J'en ai personnellement expérimenté deux qui m'ont donné satisfaction.

La sculpture dans du carton

Tout carton peut être travaillé au scalpel. La "cartonette" (carton bulle) est plus facile à sculpter que le carton de reliure. Cependant, pour obtenir des profondeurs de relief suffisants, il faudra superposer plusieurs couches (au moins 4) de la cartonette la plus épaisse (6/10). L'empilage est alors sculpté au scalpel, puis l'on termine par un ponçage fin.

 

 Les réalisations ci-dessus: "Avignon", d'André Hallays et ci-contre: "L'intelligence des animaux", d'Ernest Menault, ressortent de cette technique.

Dans les deux cas, la couvrure est  une basane amincie à 3/10, et posée directement sur les sculpture en carton.

A noter que le travail de sculpture du carton reste relativement pénible, et manque de précision. On ne pourra donc envisager un motif très détaillé.

 

 

 La sculpture d'une pâte de type polymère

Il en existe un certain nombre, bien connues des modélistes (plastiline, ect...). La pâte FIMO, par exemple, est un matériau commercial très semblable à de la pâte à modeler, de sorte qu'il est très utilisé par les enfants. Le modelage se fait à la main, à l'aide d'outils de modelage simples: couteaux, poinçons, spatules..., Le modèle est ensuite cuit au four à 110 degrés pendant une trentaine de minutes. L'avantage de ce matériau est qu'il ne subit pas de variation dimensionnelle à la cuisson. La pièce obtenue est solide, légèrement élastique, et peut encore être travaillée au couteau et poncée. Le collage d'une peau sur le modèle, à la colle plastique de reliure sous émalène, est efficace pour autant que la pression soit maintenue un temps suffisamment long (une journée). 

La précision de la sculpture n'est limitée que par la finesse de la peau de couvrure, laquelle a tendance à absorber les détails.On devra en tenir compte lors du façonnage.

 Ci-contre à gauche, "Histoire de la caricature et du grotesque", de Thomas Wright, couverte d'un chagrin émeraude, est illsutrée au centre du premier plat d'une figurine grotesque réalisée en pâte FIMO, elle même couverte d'une basane mince (3/10).

 

L'ouvrage ci-contre à droite "Mythologie pittoresque", de J. Odolant-Desnos, est couvert d'une basane lisse de couleur fauve. La figurine au centre du premier plat (la déesse Athéna) est réalisée en pâte FIMO recouverte d'une peau très fine (moins de 2/10), d'agneau glaçé. La figurine est posée sur un fond doré à l'or fin bordé d'un bourrelet formant cadre en relief.

Le médaillon vert montre la sculpture brute en pâte polymère avant couvrure

Au bilan, la pâte polymère m'apparait comme un matériau idéel pour l'objectif visé.