samedi 22 septembre 2018

Une méthode de couture sans ficelles ni rubans

J'ai déjà traité cette question dans ce blog à la date du 13 Mars 2013, sous le titre "Des livres "brochés" ". Le présent article vise à en réactualiser le contenu, compte tenu d'expériences personnelles récentes.

Il peut y avoir diverses raisons de vouloir coudre un livre sans ficelles ni rubans. Le plus souvent il s'agit de livres à faible nombre de cahiers, typiquement des albums d'enfants, pour lesquels la couture traditionnelle conduit à un dos trop lourd et trop rigide. Dans d'autres cas, on voudra restaurer des livres simplement brochés (je parle ici de livres brochés-cousus "à cahiers", et non de livres brochés-collés d'aujourd'hui, sans cahiers, voir l'exemple du 13/03/2013),  de façon à ce qu'ils gardent leur aspect "broché" original, tout en leur donnant la robustesse d'une couture classique.

Reliure d'attente
Il faut noter que des livres courants, au XIXème siècle, étaient souvent édités sous un mode de couture très simple, résumé par le dessin A ci-contre. On parlait alors de "reliure d'attente", en ce sens que le livre en question "attendait"...d'être relié sérieusement par un artisan relieur. La couture se résumait à deux rangs de chaînettes. La faiblesse de ce montage (qui n'était pas conçu pour durer) fait que l'on retrouve souvent aujourd'hui ces livres en fort mauvais état.

 
Dans la version que je propose, il n'y a plus 2 rangs de chaînette, mais 3, 4 ou plus; de sorte que la couture devient aussi solide qu'une couture ordinaire. Ainsi dans l'exemple ci-dessous à 4 fentes, l'ouvrage a pu être achevé comme dans le cas d'une reliure normale, avec dos arrondi, gardes couleurs, etc...
On peut résumer la méthode ainsi, chaque fente porte une rangée continue de chaînettes. Pour le présent ouvrage, on a choisi une couture à 4 fentes, mais on y retrouve le principe de la couture à 3 fentes du  13/09/2013 . Ce principe de couture s'apparenterait, semble-t-il à la reliure "copte", mais j'ai trouvé peu d'information sur le sujet.


 Le principe de la couture, en partie courante, est schématisé par les deux figures B1, B2 ci-contre (agrandir en cliquant dessus). Partant d'un point P du cahier 3, par ex., on suivra aisément le trajet du fil pour accrocher le cahier 4. A chaque fente de ce dernier, le fil sort et passe derrière le fil du cahier 3, puis re-rentre dans le cahier 4.


Seuls les deux premiers cahiers font l'objet d'un schéma de couture particulier illustré par la figure B2. Partant du point O, le fil passe alternativement dans les cahiers 1 et 2, à l'aller comme au retour. En sortie, les deux brins du fil sont alors noués d'un double noeud.



Pour l'instant, rien de nouveau par rapport à l'article du 13/09/2013.

Une amélioration a été apportée cependant, valable pour un livre tant soit peu épais (plus de 5 cahiers). En effet, la pratique a montré que sans précaution supplémentaire, la couture directe entraine une contre-cambrure du dos, qui compromet l'étape d'arrondissure. Pour cette raison, un cahier sur trois a été entouré d'un feuillet supplémentaire (en jaune, photo C1), feuillet sans valeur qui sera déchiré par la suite.


La photo C2 montre le grecquage à 4 fentes. Les fentes extrêmes peuvent être  positionnées à l'aide d'un gabarit de grecquage de relieur, les autres en divisant par 3 l'espace entre ces fentes.






La photo D illustre l'organisation du travail, par exemple pour le montage du 4ème cahier. Le 3ème cahier étant supposé avoir été cousu, les cahiers précédents (donc cahiers 1 et 2),sont positionnés au bord de la table,  bloqués sur celle-ci en posant au dessus une règle lourde.
L'opérateur a soulevé le cahier 3 pour montrer la règle, et tient en main le cahier 4 à coudre. Ce dernier va être cousu normalement de travée en travée (schéma B1), sauf qu'à chaque sortie de cahier, le fil sera repassé sous le cahier 3 pour former une chaînette à ce niveau.



La manière de s'y prendre pour passer cette chaînette est illustrée par les photos E1, E2. Sur la photo E1, on voit le fil sortant du cahier 4 en cours, passant sous le cahier 3 et en ressortant immédiatement derrière le fil du rang précédent. Il sera ensuite re-rentré dans le cahier 4 au même niveau pour poursuivre la couture.

Entrer et ressortir ainsi sous le cahier 3 peut paraître délicat. La photo E2 montre la manière de s'y prendre. Il suffit de présenter l'aiguille entre les cahiers 2-3 et de la basculer sur le bord de la table de façon à soulever le cahier 3, le reste de l'ouvrage étant maintenu par la règle. On peut ainsi reprendre l'aiguille sous le cahier 3 et la ressortir aussitôt derrière le rang de chaînette.

A la fin de la couture, on n'oubliera pas de déchirer les fausses pages, ce qui desserrera un peu le dos, permettant de passer à l'étape d'arrondissure.

La couture terminée, le travail se poursuit comme pour une couture ordinaire, sauf que l'on ne possède pas les ficelles qui, dans la reliure à la française, font le lien avec les plats. Il faut donc basculer sur un autre type de finition: reliure à plats rapportés, bradel, etc...

Les photos 1 et 2 montrent le livre fini. Et si l'on me dit: "ben, alors, ça ressemble à n'importe quel livre !", alors...

...le but était de démontrer la faisabilité de ce type de couture, sans ficelles ni ruban, et de proposer une méthode...

alors le contrat est-il rempli ?

samedi 8 septembre 2018

Un essai de mosaïque de cuir

 Note au 20 Juillet 2019: Cet article relate un premier essai d'une technique de mosaïque de cuir, basé sur une méthode personnelle. Deux essais ultérieurs au 10 Février 2019 et 20 Juillet 2019 y apportent de nouveaux développments, voire des corrections. On s'y reportera utilement
 
La méthode est basée sur une idée très simple, à savoir que pour couper des pièces de cuir s'emboitant parfaitement dans un motif, il suffirait de les couper en superposition.
 Comme toujours, une idée même la plus simple nécessite une mise au point longue et progressive, nécessitant plusieurs "prototypes". Soyons clairs, on ne trouvera ci-après qu'une première ébauche, donc largement susceptible d'améliorations.

L'objectif est de réaliser le projet ci-contre, représentant un couple homme-femme étroitement enlacés, tel le chèvrefeuille (c'est le titre du livre) qui enlace l'arbuste jusqu'à l'étouffer (d'où les pieds en forme de racine).

La réalisation doit assembler deux cuirs, l'un gris-noir pour représenter l'homme, l'autre rouge pour représenter la femme.
Ces deux pièces de cuir devraient être d'épaisseurs très faibles (3/10 par ex) et rigoureusement égales (ce n'était pas le cas dans notre essai).

Le projet étant dessiné sur un papier, deux pièces de cuir rectangulaires, grise et rouge, plus grandes que le motif papier, sont d'abord stabilisées en les doublant d'un papier simili-japon, à l'aide de colle plastique (adhérence forte).

Sur une plaque de verre (photo A), on a fixé le cuir rouge à l'aide de 2 bandes de papier Kraft auto-adhésif. On a collé par dessus le cuir gris à l'aide de colle de pâte (donc d'adhérence faible, nettoyable à l'eau). Enfin on a collé par dessus le projet papier, à nouveau à l'aide de colle de pâte.

Au scalpel bien affuté, on découpe tous les contours en laissant cependant quelques points d'accrochage pour que les pièces ne se désolidarisent pas.

En mouillant les zones blanches au pinceau, on nettoie le papier sur "la femme" (ph. B), puis en mouillant à nouveau cette zone au pinceau, on peut soulever les couches de cuir gris pour faire apparaître le cuir rouge (ph. C).

 On dégage à l'eau le kraft adhésif de droite, ce qui permet de retourner l'ensemble sur la gauche, faisant apparaître l'envers du montage. En mouillant "l'homme" au pinceau, on  peut ainsi dégager le cuir rouge au dos de "l'homme"(ph. D).  Notons que dans le cas présent, "l'homme" a emporté au dos un peu du pigment du cuir rouge, et apparaît en rouge léger.

 Sur la  droite du montage (ph. D), on a disposé et fixé une bande de papier quelconque, qui sera le support final du projet.  On rabat à nouveau le montage sur ce papier, et on le fixe à l'aide d'adhésif (ph. E). A nouveau au pinceau à l'eau, on dégage le papier sur "l'homme", faisant apparaître le cuir gris. On peut enfin achever au scalpel la séparation des  pièces  que l'on prélève une par une, et que l'on replace très exactement à leur place au fur et à mesure, en les collant sur le papier support. (ph. F).

 L'ensemble du motif se trouve ainsi complètement dégagé et les cuirs inutiles de l'entourage s'éliminent d'eux-mêmes (ph.G).

Le projet apparaît ainsi complet sur le papier support (ph. H). Il suffit alors de le nettoyer, le cirer (ph. I), éventuellement le détourer pour l'insérer sur un livre dans une incrustation.

Conclusion. Plusieurs points seraient à améliorer. Le collage cuir sur cuir et papier sur cuir à la colle de pâte n'est pas sans une légère dégradation du cuir inférieur (perte de pigment). Il faudrait trouver un collage moins agressif.
Le travail au niveau des petites pièces (ici les racines, d'ailleurs incomplètement réussi) est délicat, ces pièces ayant tendance à s'échapper en cours de montage.