jeudi 15 juin 2017

Mosaïque de cuir; méthode François Voignier


Ce petit tutoriel concerne une technique permettant de réaliser des effets de mosaïque de cuir de type "cloisonné" ou "vitrail". Les principes m'ont été enseignés par mon ami et professeur de dorure François Voignier, lequel est essentiellement l'inventeur de cette technique.

Au  delà de l'apprentissage, j'ai pu expérimenter la méthode pour un résultat qui m'a paru intéressant.

 Toutes les photos peuvent être agrandies en cliquant dessus
Les * renvoient à des notes en fin d'article

O. Domaine d'application

De fait, on trouvera dans cet exposé la solution à deux problèmes différents: d'une part l'assemblage bord à bord de peaux de couleurs différentes, d'autre part la réalisation de pièces légèrement "bombées" pour donner un effet de relief .
On notera que la méthode est surtout intéressante pour un décor présentant un grand nombre de petites pièces, comme c'est typiquement le cas pour un vitrail*.

La méthode nécessite l'utilisation d'une plaque d'émalène et d'une petite quantité  de colle "Béryplast", vendue dans le commerce médical.

Le schéma ci-après résume à lui seul le principe général de la méthode. On pourra s'y reporter aussi souvent que nécessaire. _______________________________________________________________________________
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La photo A1 ci-dessous montre le résultat final de l'opération. Il s'agit d'une étoile en 4 couleurs, qui présente les deux difficultés:
1. les couleurs doivent être assemblées bord à bord de manière précise,
2. les branches doivent recevoir un "bombé" avant d'être insérées dans leurs logements, de façon à créer un effet de vitrail.


A. Réalisation de la forme

Il s'agit de réaliser le logement où viendront se loger les branches de l'étoile. Le pourtour de l'étoile est creusé dans une cartonnette assez épaisse (Photo A2, ici, 2 épaisseurs de 6/10 superposées), collée sur un carton qui peut être le plat d'un livre. Les "cloisons" sont découpées dans la même cartonnette (Ph. A3, toujours doublée). La peau (A4) fait partie de la couvrure du livre, et doit être assez fine (ici: 3/10).


La photo A5 montre l'étoile munie de ses cloisons, ainsi que la peau de couvrure. La forme sera donnée par pressage à l'émalène.

Humecter la peau, nourrir le carton de colle de pâte, éventuellement mélangée de colle plastique; la photo A6 montre l'empilage qui ira sous la presse, soit
ai-carton-peau-émalène-ai (les macules sur la photo sont à enlever).

Le résultat est visible en (A7).






B. Les pièces du "puzzle": stabilisation des peaux

Pour obtenir des pièces de forme précise, les peaux doivent être "stabilisés en les doublant de papier.

On travaille sur une plaque de verre (ici, un miroir), préalablement humectée d'eau. On pose une feuille de papier fin, par ex. simili japon, Bolloré*,..., que l'on étale soigneusement à l'éponge mouillée de façon à résorber tous les plis sans la déchirer (B1). Le papier se fixe provisoirement par capillarité.

On fixe définitivement la feuille sur le verre à l'aide de Kraft collant tout autour (B2).

La surface totale étant enduite de colle plastique, on pose des pièces de cuir dont on a choisi les couleurs, sur la couche de colle. (B3). Il est important que les peaux soient d'épaisseurs similaires.

Après séchage complet (un jour), on découpe la feuille au scalpel, qui se détache d'elle même (B4). On isole alors les pièces de peau ainsi doublées (B5).

C. Assemblage des peaux bord à bord

 Les pièces de peau sont coupées en deux parties, soigneusement au scalpel, en tenant compte que chaque partie devra porter une demi-branche de l'étoile, convenablement orientée (C1).

Les assemblages de couleur se font sur une nouvelle base vitre-papier-colle (C2) comme au chapitre B. (voir B1, B2). L'assemblage des pièces doit être très soigné, de façon à ne laisser apparaitre aucun espace.

 Après séchage, on récupère la feuille de papier dans laquelle on découpe les assemblages (C3).



D. Préparation du "bombé". Doublage des peaux

Pour obtenir un effet de "bombé", on devra doubler les peaux d'un "matelas" souple, par exemple de la doublure de peau (côté chair d'une peau refendue). Ici on a utilisé 2 épaisseurs de doublure de 6/10.
On colle les pièces sur la doublure (D1), puis on les sépare (D2). Eventuellement, on réitère l'opération pour un doublage deux fois plus épais.

 E. Découpage des éléments du vitrail

On prédécoupe la forme des éléments, par ex. dans une photocopie de la pièce A7, ou par "empreinte directe" (E1). Identifier chaque élément (ici N, S, E, O).

 A partir de cette ébauche, on découpe dans une cartonnette les formes des pièces, que l'on ajuste très précisément en les essayant dans leurs logements (E2).

On fixe ces éléments sur les pièces de cuir à l'aide d'adhésif repositionnable, convenablement disposées par rapport aux lignes de jonction (E3). En suivant au scalpel les bords des pièces carton, on découpe très précisément les pièces du puzzle (E4); il faut conduire le scalpel incliné vers l'intérieur de la pièce de façon à créer un léger chanfrein rentrant. Identifier les pièces, (E5), et vérifier leur placement correct dans leurs logements (E6).

F. Mise en forme des pièces

L'opération devra se faire avec célérité*.
Préparer 2 ais, un flacon de "Béryplast", 2 carrés de plastique dont l'un "semi-rigide" (ici du mylar  6/10), la feuille d'émalène (e) (F1), macule et pinceau.

Nourrir le bord des pièces de Béryplast côté "chair" . Les poser côté "fleur" sur le plastique semi-rigide puis poser par dessus l'autre plastique (F2).

Retourner le tout et le placer sous émalène, entre les deux ais. La pression de l'émalène doit s'exercer sur le côté "fleur" (F3).


Mettre en presse 2 heures. On récupère alors les éléments (F4).

(F5) montre l'étalement partiel du "Béryplast" au dos des pièces.

(F6) montre un élément avec son effet de "bombé".

(F7) montre le jeu complet des pièces du "puzzle"


G. Insertion des pièces dans leurs logements

Pour insérer les pièces, on peut les border simplement de colle plastique (G1), ou les enduire entièrement.
La première option laisse aux éléments un effet "coussin d'air" qui peut être apprécié.

On place les pièces dans leurs logements (G2), en marquant bien les bords à l'aide d'un petit plioir.

Après séchage, l'ensemble donne le résultat (G3) (identique à A1)

H. Application

 

J'ai utilisé la méthode pour réaliser le décor de l'ouvrage "La cerise", d'Alphonse Boudard.

 L'auteur y raconte sa vie d'après-guerre lors de ses multiples passages par la case "prison", ce qui explique le décor.

Les "parpaings" ont été réalisés en utilisant la méthode du "cloisonné bombé" décrite ci-dessus.






 Notes

O. *En effet, le "bombé" peut s'obtenir autrement par un simple chanfrein intérieur et pressage à l'émalène, mais la réalisation précise des chanfreins est fastidieuse si l'on a un grand nombre de pièces, comme dans le cas d'un vitrail.
 B.  *Le papier "Bolloré" 12g est plus aisé à étaler sans le déchirer.
       **Dans le cas de peaux d'épaisseurs légèrement différentes, on peut "rattraper la différence" par pressage simultané sous émalène. des pièces de mosaïque collées sur leur doublure (avant le bombé).
 F. *Si l'on a trop de petites pièces, procéder en plusieurs groupes pour éviter au Béryplast de sécher.

dimanche 22 janvier 2017

La bibliothèque Richelieu, un bijou !

Dimanche 15 Janvier 2017,

Après 7 ans de fermeture, la  BNF rouvrait enfin une partie restaurée de son site historique "Richelieu", l'ensemble du site devant, in fine, être entièrement orienté vers l'histoire de l'art.
Deux petits jours seulement, Samedi 14 et Dimanche 15 pour les innombrables curieux, avant que l'édifice ne soit définitivement livré aux seuls historiens et chercheurs.

Le résultat promettait d'être décoiffant, et il le fut, mais...



 ...pas de réservation, pas de coupe file; il fallait la mériter, la "Richelieu". La file que l'on voit sur la photo fait en réalité... 3 côtés complets du bâtiment.

Enfin au bout d'une heure 3/4 de piétinement dans le froid, on franchit enfin le poste de contrôle... l'enchantement n'est pas loin.





Suivez les photos sans oublier de cliquer dessus pour les agrandir; c'est magique. On revient au blog par la croix en haut à droite de la photo.

La visite commence par la salle Labrouste (1). Ouah !!!

Salle Labrouste, côté Est

Salle Labrouste, côté Ouest


Salle Labrouste, angle Nord-Est

Salle Labrouste: les rayonnages circulaires (S/O)

Salle Labrouste: des rayonnages droits (Ouest)

Salle Labrouste: côté Nord et structure métallique
Comme une cathédrale...

Salle Labrouste: structure de la verrière

...gothique, façon XIXème

Salle Labrouste: détail de la structure

Salle Labrouste: détail de la peinture dans un arc mural et détail de la verrière
 Les  arcs révèlent à l'intérieur de grandes peintures dans le goût de l'époque (3)


Salle Labrouste: table de lecture courante et pupitre de consultation rapide





et le mobilier est de même facture !!!


Après en avoir pris plein la vue, on se dirige vers le magasin central.
Ambiance plus classique d'une réserve (de 5 étages),  mais qui vous offre une petite surprise:
le système central des pneumatiques. Les demandes des lecteurs étaient autrefois acheminées par ce biais vers les magasiniers, qui extrayaient les livres et les apportaient au bureau de prêt.

Magasin central: le réseau des pneumatiques
un cauchemar de plombier !!
Plus en détail

Magasin central: le réseau des pneumatiques (détails)




Changement de décor. On se dirige vers la salle des manuscrits. Un petit bijou d'art nouveau. On admirera, sur la gauche, la cloison ouvragée, ainsi que l'escalier d'accès à la mezzanine, ci-dessous.

Salle des manuscrits: escalier intérieur
Salle des manuscrits: "La fête d'automne aux feuilles d'automne" de Genji Monogatari (1650-1654)




On se dirige enfin vers la réserve des Arts du Spectacle. Pour cela, on traverse une salle plus ou moins circulaire: la "Rotonde des Arts du Spectacle". Les nombreuses vitrines présentent quelques objets historiques: ainsi le manteau de Sarah Bernard dans "Cléopâtre" de V. Sardou (1902), et "Le sultan", marionnette pour un numéro de pantomine "Mille et Une nuits".
 


La salle de travail et réserve des Arts du Spectacle est de facture classique, mais elle recèle des trésors  considérables: manuscrits de pièces de théâtre, correspondances, photographies, etc... Sur le photo ci-contre (agrandir) un rayonnage courant donne une idée de la vocation de la salle de lecture.

On termine la visite par la salle ovale (4), non encore restaurée. C'est encore sombre, mais il n'est pas interdit d'imaginer ce qui nous attend...vers 2020.

La salle ovale: rayonnages

La salle ovale: structure et verrière
La salle ovale: rayonnages




Enfin, il  faut bien quitter ce lieu magique.
On prend le chemin de la sortie...

...la foule  est toujours là ! Seule différence, avec des parapluies.







 Informations complémentaires :

(1) Henri Labrouste (1801-1875), architecte français, réalise cette salle de 1861 à 1875, sur le principe d'une structure métallique, principe qu'il avait déjà mis en œuvre pour la Bibliothèque Sainte Geneviève, mais dans un style très différent.

(2) Toute la structure repose sur les arcs en fer ajouré, qui retombent sur seize colonnes de fonte; d'où l'impression extraordinaire de légèreté.

(3) Les tableaux de nature verdoyante sont dus au paysagiste A. Desgoffe (1864). Les sujets, simples étaient censés ne pas distraire le lecteur mais procurer une sensation de calme et de détente.

(4) La salle ovale est due aux architectes J.C. Pascal et A. Recoura. D'une hauteur sous plafond de 18m, elle est ouverte en 1936. La structure utilise à nouveau la fonte pour les colonnes de support.