mardi 4 novembre 2014

Visite des ateliers de restauration de la BNF

Une visite mémorable !

Ce Jeudi 9 Octobre 2014, avec un groupe de relieurs des "lieurs de Sénart", et quelques "doreurs" de l'A.S.C. Viry, nous avons bénéficié d'une visite très intéressante d'un des ateliers de restauration de la BNF, actuellement (et provisoirement) sur le site Tolbiac.

La visite a duré pas moins de 2 heures 30 et l'ensemble du personnel sur site s'est prêté aimablement à satisfaire notre curiosité et nos questions. Avant toutes choses, je tiens à remercier toutes ces personnes, avec en premier lieu, Madame Isabelle Rollet, Responsable du service Restauration et Messieurs les chefs d'atelier Jacques Sicre et Gilles Munck, qui nous ont chaperonnés tout au long de la visite. Que soit également remerciée Mme Sophie Doucet, Responsable Formation à la BNF, qui la première a bien voulu nous donner accès à ces services.

La visite est illustrée par les images suivantes
















lundi 21 juillet 2014

Retour sur l'atténuation des rousseurs... et autres tâches

Depuis mon article du 21 Octobre 2013, j'ai été amené à travailler fréquemment sur le problème des tâches, en particulier les "rousseurs", fréquentes dans les ouvrages des fin XIXème, début XXème.
A cette époque, l'invention du papier de bois a entraîné la généralisation du blanchiement du papier par le chlore, qui serait à l'origine de ces rousseurs (acidité) apparues au cours du temps.
Je ne reviendrai que brièvement à la fin de ce billet sur la "philosophie" et le "bien fondé" des pratiques exposées ci-dessous, en rappelant qu'en milieu institutionnel, à ma connaissance, contre les rousseurs des papiers, eh bien ...on ne fait rien !

Au bilan de ces essais, j'ai dû me rendre à l'évidence, impossible de proposer une approche générale de la question ! La diversité des papiers et des tâches fait que telle méthode qui fonctionne ici ne fonctionne plus là, et inversement. Tester, essayer, réessayer et re-tester restent les maîtres-mots de ce travail.
Résultat de ces essais, par contre, j'ai pu affiner quelque peu mes pratiques, et surtout déterminer les outils qui m'ont paru les plus efficaces pour obtenir un résultat. Je me contenterai donc de lister ces  instruments, et d'en préciser un peu l'utilisation.

Le principe général d'atténuation des tâches procède de 2 idées: l'abrasion du papier et la recoloration.

L'abrasion du papier

 Le schéma ci-contre montre l'effet de l'abrasion suivant la profondeur des tâches:
     a) La tâche est peu profonde. L'abrasion du papier éradique complètement la tâche
     b) La tâche est assez profonde, mais non traversante. L'abrasion diminue l'étendue de la tâche, mais ne la supprime pas. La couleur peut cependant s'en trouver atténuée.
     c) La tâche est traversante. L'abrasion ne diminue que peu l'étendue ni la couleur de la tâche


La photo suivante présente les outils pour réaliser l'abrasion du papier: la gomme P1, le pinceau à fibres de verre P2 , le papier de verre P3 (utiliser des chûtes du papier utilisé en reliure), le scalpel à lame ronde No 25 P4 et le plioir spatule P5.


 Je passerai rapidement sur l'outil le plus doux: la gomme P1. L'effet abrasif est infime ou nul. La gomme doit cependant être essayée systématiquement pour éliminer les poussières.

Les autres outils sont plus sévères:
Le pinceau à fibres de verre permet un travail localisé (tâches), voire entre les lignes et même entre les lettres.
Le papier de verre permet d'attaquer globalement des surfaces portant soit un semis de tâches assez dense, soit un nuage de rousseurs légères; c'est souvent le cas par exemple dans les marges .
Le scalpel permet, pour des tâches très ponctuelles, d'extraire une couche de papier par incision superficielle, ou, pour des tâches d'étendue moyenne, de gratter la surface sous forme de copeaux.


La photo A1 ci-dessus montre une page dans son état initial. Les tâches sont nombreuses, cependant superficielles. Elles ont pu être traitées de manière satisfaisante à l'aide des seuls outils: gomme, pinceau fibre de verre, papier de verre et scalpel. Un "reglacage" partiel du papier a ensuite été effectué en travaillant les zones traitées au plioir spatule. La photo A2 montre le résultat de l'opération.

La recoloration (avec ou sans abrasion)

Dans certains cas, après un essai d'abrasion, on aura conclu que la méthode est soit insuffisante, soit carrément inopérante. On pourra alors pratiquer une recoloration locale du papier, avec ou sans abrasion initiale.
Dans l'exemple ci-après, les outils qui ont été utilisés sont, à nouveau les outils d'abrasion P1, P2, P3, P4, et les crayons Q1 (crayon blanc Caran d'Ache Supracolor II 001) et Q2 (Pastel pencil "coquille d'oeuf" Caran d'Ache 788-541). Dans d'autres cas, on peut avoir recours à d'autres crayons de couleurs appropriées comme par exemple Q3 jaune clair Stabilo 1400/105, Q4 jaune clair Caran d'Ache Luminance 6901, ou Q5 ivoire Faber-Castell Elfenbein ivory 9201-103. Tous ces crayons sont disponibles chez Sennelier à Paris. A ces outils il faut ajouter le plioir spatule P5 et un chiffon propre.

Les photos  B1 à B4 illustrent cette pratique.


 La photo B1 montre l'état initial de la page.


 Sur la photo B2, après le gommage, on a tenté l'abrasion des tâches. Le pinceau à fibres, le papier de verre et le grattage au scalpel ont permis d'atténuer les tâches mais non les supprimer.


Sur la photo B3, on a coloré les zones des tâches au crayon blanc Q1. Notons dans tous les cas, on aura pris soin de commencer par une abrasion au moins légère des zones, dont l'effet est de faciliter l'accrochage du crayon sur le papier glacé. Cette base blanche permet d'éclaircir le ton foncé de la tâche et fournit un fond clair pour la couleur finale.


Sur la photo finale B4, on a "griffé" légèrement la couleur blanche pour lui ôter son brillant, puis on a  passé le crayon pastel Q2 ,qui dépose une poudre légèrement ocre sur les zones blanches, en débordant assez largement. On a ensuite fait pénétrer cette poudre en travaillant fortement la zone au plioir-spatule P5.
Enfin on a épousseté la poudre de pastel résiduelle au chiffon.

Conclusion

Il n'est pas inutile de discuter du bien-fondé de l'opération. Peut-on la qualifier de réversible ? Pas totalement en raison de l'abrasion du papier. Toutefois, le dommage au papier est (normalement) mineur.
La méthode est-elle universelle ? La réponse est non. Les papiers trop fins ne supportent pas l'abrasion (c'est le cas des livres issus de "feuilletons" reliés). C'est le cas également si les rousseurs sont trop étendues, surtout à l'intérieur du texte, ou trop foncées.
Le résultat est-il parfait ? Là encore, il faut répondre non. Quand bien même le résultat peut apparaître excellent en lumière normale, une lumière rasante révèle malgré tout les zones de travail par le changement de la texture superficielle du papier (perte du glaçage).

On ne saurait donc recommander cette pratique dans le cas de documents "de patrimoine"

Par contre, cette pratique me satisfait, personnellement, pour des ouvrages courants, tels les percalines de la tranche 1850-1914. Il faut reconnaître qu'un ouvrage largement entâché de rousseurs est peu engageant à la lecture. L'opération décrite ci-dessus atténue cet aspect à priori rebutant, et, à défaut d'un résultat parfait, restitue les conditions d'une lecture agréable.

Je terminerai cet article en précisant que l'opération décrite ci-dessus est extrêmement chronophage; compter au bas mot une vingtaine d'heures pour un ouvrage moyen. La restauration est un sport d'endurance!

 

dimanche 22 juin 2014

Mon livre-peinture

Une approche que j'aime bien; mêler plusieurs artisanats dans une seule réalisation. Ainsi, au delà de mon activité reliure-restauration qui fait l'objet de ce blog, j'ai également une activité "peinture sur bois", que je pratique au sein de l'association "Arts et Loisirs" de Savigny-sur-Orge, sous la direction (ferme) de Mme Manuela di Piazza.
Donc pourquoi pas une reliure dont la décoration serait une (ou plusieurs) peintures. Dans le cas présent, il sera plutôt question de peinture sur carton, mais en utilisant les couleurs acryliques, cela ne change pas grand chose à l'affaire.

Le livre que j'ai entrepris est un ouvrage du milieu du XXème intitulé "Plantes, fleurs, fruits" de G. Fraipont (photo 1).


Les nombreuses aquarelles couleurs qu'il contient (photo 2) lui donnent un cachet suranné tout à fait sympathique. Je n'ai pas pris de photo de l'affreuse toile noire qui l'habillait, probablement pas d'origine.

Le résultat de mon travail est représenté ci-après. 



La photo 3 est une vue d'ensemble du livre ouvert.

Le premier plat (photo 4) assemble 2 photos prélevées sur Internet: un bouquet de fleurs mélangées et un plant de fraisiers. Le second plat (photo 6) représente une branche de physalis ("amours en cage"), le dos (photo 5) une grappe de (petites) tomates avec ses fleurs. Le titre est posé à chaud au ruban couleur.


Sur le plan reliure, la réalisation du listel est un peu faible, dites-vous ?  Mince alors ! Encore un livre qui n'est pas parfait ! Quel métier !






vendredi 20 juin 2014

Encore une idée pour la reliure: la peau de (votre) femme...

Bon ! je propose ! Enfin, ce n'est qu'une idée, vous en faites ce que vous voulez !

Ce billet vient en complément de mon article du 2 Juin 2013 sur le même sujet "les reliures en peau humaine".
Une amie me signale le document suivant:

http://m.leparisien.fr/insolite/bibliotheque-de-harvard-un-livre-du-xixeme-siecle-relie-en-peau-de-femme-05-06-2014-3899957.php




Il y est question d'un livre qui figurerait dans la bibliothèque d'Harvard (USA), formellement identifié par les scientifiques comme étant relié en peau humaine.

Cet ouvrage (photo ci-contre) "Les destinées de l'âme" d'Arsène Houssay aurait appartenu à un médecin ami de l'auteur, lequel l'aurait fait relier ainsi avec la peau d'une malade mentale, sous le prétexte qu' "un livre sur l’âme humaine méritait bien qu’on lui donnât un vêtement humain".





 Je relève simplement dans l'article que pour authentifier la nature de la peau, les scientifiques ont envisagé, puis éliminé formellement " le mouton, le bétail et la chèvre" (c'est encore heureux), mais ont finalement hésité entre le gibbon et la femme.
Non ! Non ! de cette dernière comparaison odieusement machiste, je ne conclurai qu'une seule chose: ces scientifiques là sont des mufles !!

lundi 21 avril 2014

Une inititation au papier marbré

Il est dit que je serais beaucoup initié ces temps-ci.
Je voudrais relater ici ma première prise de contact avec la pratique du papier marbré, prise de contact que j'ai effectuée à Savigny-sur-Orge dans l'atelier de Mme Forget, ancienne restauratrice de livres à la bibliothèque Mazarine à Paris. On trouvera à la fin de cet article les coordonnées de cette personne.

Les deux photographies ci-dessous montrent les résultats que j'ai obtenus à l'issue de cette courte formation (1/2 journée).



Ce n'est qu'une initiation, et il est clair qu'en une matinée on ne peut appréhender que les principes du procédé. Par contre les réalisations personnelles de l'enseignante qu'elle a bien voulu nous montrer témoignent qu'avec la pratique on peut faire de très belles choses en la matière.On en revient à la sempiternelle maxime: "c'est en forgeant qu'on devient forgeron", que je corrigerai en "ce n'est qu'en forgeant (longtemps) que l'on devient forgeron".

La cuve
L'instrument de base est une cuve rectangulaire de dimensions légèrement supérieure à celle de la feuille de papier à marbrer. Sur la base de feuilles 50x65 cm, il faudra donc une cuve d'au moins 55x70, d'environ 5 cm de profondeur au minimum.
On peut réaliser simplement ce bac avec des planches de bois; on assurera alors l'étanchéité en tapissant l'intérieur d'une feuille de plastique souple agrafée sur les côtés.
Une journée avant le travail, on aura préparé une quantité d'eau suffisante pour remplir la cuve (env. 4 litres dans le cas présent), additionnée d'un produit épaississant soigneusement mélangé à l'eau. Pour ce dernier, on prendra par exemple "Bain marbling bath" de chez Pébéo (disponible chez Créa), à raison de 3 cuillères à café par litre d'eau. Après avoir homogénéisé le mélange de façon à n'avoir pas de grumeaux, on laissera épaissir le bain une nuit.

Les colorants
Il est possible de choisir différents colorants, qui correspondent à des techniques différentes. Dans le cas présent, nous avons travaillé directement avec des peintures à l'huile, que l'on "allège" en les mélangeant avec du white-spirit. D'autres praticiens utilisent des encres typographiques, ou d'autres types de peinture traitées à la gomme arabique.
Chaque couleur est ainsi préparée dans un petit pot individuel, type pot de yaourt.
Par exemple, prenant deux pâtons de peinture de la longueur d'un ongle, on les mélange à une cuillère à café de white-spirit (personnellement, je dirais plutôt 1/2 à 3/4 de cuillère), à l'aide d'une petite spatule (par ex. u bâton d'esquimeau). Le mélange doit avoir conservé une certaine épaisseur. S'il est trop liquide, on rajoutera de la peinture.

Le papier
Nous avons travaillé avec des feuilles de papier vergé 50x65 cm. C'est le côté lisse du papier qui sera appliqué sur le bain.

Mise en place de la couleur sur le bain
Avec un petit pinceau, on prélève une couleur puis on frappe sèchement le pinceau contre une baguette de bois, de façon à disperser des gouttes de couleur sur le bain. Si les gouttes s'étalent sur l'eau (et finissent quasiment par disparaître), c'est que la couleur est trop diluée (rajouter de la peinture). Si les gouttes restent sous forme de "pâtés" épais, c'est que la couleur est trop épaisse (rajouter du white-spirit).
On dispose ainsi des couleurs à volonté, sous la forme d'un grand nombre de gouttes.

La création de motifs
On crée ensuite des motifs contrôlés à l'aide d'instruments variés, que l'on peut fabriquer soi-même. Avec une simple baguette, on "éclate" les gouttes et on les déplace sur le bain. Avec une espèce de "peigne" (un simple tasseau garni de clous), on peut réaliser des effets de crénelage, etc... En la matière, on n'est limité que par son goût artistique.
Les photos en-tête de l'article résultent d'un premier essai sans création de motif, puis d'un essai avec création de "tourbillons" à l'aide d'une baguette.

Le transfert sur le papier
Le dessin ainsi obtenu sur la surface de l'eau peut maintenant être transféré sur le papier de la manière suivante. On présente le papier à partir d'une extrémité de la cuve puis on le déroule sur la surface sans temps-morts, et en veillant à ne pas laisser de poches d'air. Ensuite on retire la feuille de papier en la glissant le long d'un bord de la cuve.

Le séchage de l’œuvre
La feuille est ensuite positionnée sur une planche verticale mouillée, à laquelle elle adhère par capillarité. On la lave rapidement à grande eau avec une éponge. Puis on la dispose sur un support horozontal fait par exemple de barres de bois posées sur des tréteaux, dans un environnement favorisant le séchage (en extérieur s'il fait beau, ou sous un abri aéré).

Indications sur la formation
La formation se compose de séances d'une demi-journée, suivies chaque fois par un groupe de 3 à 4 personnes.
L'enseignante est très pédagogue, et se consacre entièrement à ses élèves durant le travail. En outre elle a pris soin de préparer la veille le mélange de l'eau et l'épaississant, de sorte que l'atelier est immédiatement disponible pour le travail des stagiaires. Tout le matériel et les produits utilisés, peintures comprises, sont fournies par l'atelier.
La formation se déroule à Savigny-sur-Orge, dans un pavillon tranquille. L'ambiance est sympathique et l'on repart avec son œuvre. Je ne peux que recommander ce stage, peu coûteux, et très accessible.
Pour participer, contacter michele.forget@free.fr

samedi 19 avril 2014

Une idée pour la reliure: le repoussage du cuir...

J'écris cette article au retour d'une journée d'initiation au repoussage du cuir.
Comme on pourra s'en douter, mon objectif n'est pas la réalisation de carquois, bottes de cow-boys ou quelqu'autre accessoire moyenâgeux, mais l'application possible de la technique au décor du livre.

Apparemment, la technique de repoussage du cuir pour l'habillage du livre s'est pratiquée dans des temps anciens, puis a été abandonnée au profit des techniques de la dorure. En particulier, le résultat pourrait se rapprocher de celui que donne la "dorure à froid" (qui, comme l'on sait, se pratique à chaud, mais sans application de la couche d'or), avec des reliefs cependant plus profonds.

J'ai effectué ce stage chez un artisan-formateur situé à Foëcy, dans le Cher (près de Vierzon), dont je donnerai les références en fin de l'article.

Pour concrétiser les choses, je présente 2 photos résultant de mon passage. Certes, on peut le voir, je n'ai pas mérité le prix du meilleur ouvrier de France. Pourtant ma conviction est qu'en insistant, on doit pouvoir faire de belles choses en la matière, y compris pour la décoration de livres; les réalisations du formateur en sont la preuve, j'y reviendrai.


Il est clair que le repoussage, ça se pratique, et qu'il faut du temps pour maîtriser la bête.

Pour résumer, l'initiation s'est faite en deux étapes: le matin, approche du travail de gravure: le dessin ci-dessus a été obtenu après 2 à 3 heures de formation; l'après-midi, initiation à la coloration, qui m'a donné le résultat ci-dessus (photo 2).

J'avais malheureusement oublié mon appareil photo, de sorte que je devrai décrire le processus sans les vraies illustrations. Pour au moins montrer les outils, j'ai emprunté quelques photographies au site "MBF cuirs association" .

Le cuir.
Il faut impérativement utiliser un cuir à tannage végétal, non coloré (naturel). Le cuir doit absorber l'eau instantanément, ce qui exclut les cuirs de maroquinerie (tannage au chrome). La peau doit avoir une certaine épaisseur, pour permettre l'incision de la fleur sans la couper. Il semble que l'on puisse descendre jusqu'à 1mm environ, donc plutôt du cuir de vache. En reliure, il faudra donc prévoir une réserve autorisant cette épaisseur.

Le support de travail.
On travaille sur une plaque de granit surfacée d'environ 30x40cm, qui peut être obtenue auprès de marbriers funéraires. La plaque est posée sur un établi pouvant supporter des frappes assez puissantes sans vibrer.

Le tracé du dessin.
Le dessin étant tracé sur un calque, on mouille le cuir puis on pose le calque sur la pièce. En suivant le tracé au stylet à pointe ronde, le dessin s'imprime "en mouillé" sur le cuir.

Entailler la peau.
On entaille le cuir le long des traits du dessin à l'aide d'un outil spécial, le swivel.

Il s'agit d'une espèce de cutter dont la lame acier ou céramique peut pivoter autour de l'axe du manche. L'outil présenté sur la photo 3 a une lame droite, mais on lui préfèrera une lame biseautée. La lame céramique est pratiquement inusable et n'a pas besoin de ré-affutage.
Le swivel est tiré le long des traits du dessin en le tenant verticalement, l'index dans la crosse de l'outil, de façon à inciser la peau par la pointe de la lame. Les courbes sont obtenues en faisant tourner le swivel sur lui-même avec l'annulaire. On prendra soin de remouiller périodiquement le cuir.


Enfoncer le cuir.
Le dessin est vraiment matérialisé lorsqu'on enfonce le cuir sur un côté de l'incision. Ce sont les bandes claires que l'on voit sur les photos 1 et 2.


 Pour cela, on utilise des "matoirs", aussi dits "bevelers" (photo 4), sortes de petits marteaux à section oblique que l'on frappe verticalement avec un maillet de bois ferme (photo 5), ou de nylon.


                                                           
On avance en suivant un côté de l'incision, en recherchant une frappe suffisamment continue pour éviter le crénelage. Pour les angles on fera tourner le matoir autour de l'angle sans l’écrêter.

Décorer la surface.
On peut à volonté décorer la surface à l'aide à l'aide de nombreux matoirs disponibles dans le commerce.

Ainsi est obtenu l'effet "sablé" que l'on peut voir autour de la volute sur les photos 1 et 2.
Il existe quantité de matoirs pour réaliser des frises, des effets de surface particuliers, des sujets entier (fleurs de lys, par exemple) (photo 6).





Colorer le cuir.
Il existe des colorants à l'eau et des colorants à alcool. Ces derniers sont d'un usage délicat eu égard à leur toxicité.
Pour réaliser la coloration dorée nuancée des photos 1 et 2, on a utilisé 4 teintes de brun de force progressive. Chaque teinte étant disposée dans son pot, on prévoit pour chacune une petite éponge (genre éponge de carrossier) et un chiffon, les éponges et chiffons ne devant pas être mélangés au cours du processus.
La première teinte (quasiment jaune) est passée uniformément à l'éponge y compris dans les creux.
Les teintes suivantes, de la plus claire à la plus sombre, sont disposées à l'éponge sur les zones que l'on veut les plus sombres et tirées rapidement au chiffon vers les zones plus claires de façon à obtenir un dégradé de couleur. Ainsi la zone d'application se réduit de plus en plus au fur et à mesure que l'on "monte" la couleur. Lorsqu'on tire le chiffon, on ne fait que "survoler" les reliefs, en évitant de lustrer le cuir, sans quoi la couche suivante de teinture aura du mal à pénétrer.
On peut en fin de travail améliorer l'uniformité en repassant une couche de jaune.

Lustrer le cuir.
On termine le travail de surface en lustrant fortement le cuir avec un chiffon type "collant de dame".

Les bords
On traite les bords en leur appliquant la couleur (2ème niveau de teinte) à l'aide d''un tampon de laine monté en écouvillon. Puis on lisse le bord posé à plat en le frottant avec un chiffon nourri de cire d'abeille.

Références de la formation.
Le formateur se nomme Eric Deneken. Son atelier est situé à Foëcy à 12 km de Vierzon.
Tel:  06.88.13.09.29
La formation est proposée (Tarif Avril 2014) pour 100E la journée plus éventuellement prix du cuir dans le cas de grandes réalisations (0 Euros dans mon cas).
Je précise que le formateur s'est tenu à mon entière disposition pour toute la journée de formation; avec une grande gentillesse en plus, ce qui ne gâte rien.
On trouvera sur son site www.cuir-formation.fr toutes les informations utiles sur ces stages.
Pour terminer, voici, extraites de son site esprit-cuir.fr, quelques photos de  ses propres réalisations qu'il qualifie de "grimoires". Il faut reconnaître qu'il ne suffirait pas de grand chose pour que ces couvre-livres soient... de vraies couvrures de livres, et d'un très bon niveau !!




lundi 6 janvier 2014

Recréer un dos par la technique des cartons fendus

Dans mon article du 31 Juillet 2013 "Chronique d'une restauration de base", je présentais la technique la plus classique pour recréer un dos, raccrocher les plats, pour des ouvrages à couverture toilée. La clé consistait à soulever la percaline le long des bords intérieur des plats et y glisser une nouvelle toile qui venait recouvrir le dos.

La méthode convient mal pour des ouvrages à couverture papier. En effet, soulever le papier est extrêmement délicat et conduit à un résultat assez médiocre. Dans ce cas, on utilise plutôt la technique des cartons fendus.
Les photos 1, 2, 3 montrent un ouvrage présentant ce type de difficulté.


On observe que le dos est presque complètement détaché (photo 1), ce qui a entraîné sans effort la séparation complète du 1er plat (photo 3). Le 2ème plat (photo 2) pose des problèmes supplémentaires (tâches, coin rongé) qui seront simplement évoqués car ne relevant pas de notre sujet.

Le corps de l'ouvrage n'a nécessité qu'un nettoyage. Le dos a d'abord été traité classiquement avec pose d'une mousseline, pose de Krafts et comètes, création d'un soufflet. Cette séquence classique de la reliure, largement détaillée dans mon article du 31 Juillet ne sera pas reprise ici.

Le problème de la couvrure se présente alors sous les aspects suivants:
     - habiller le dos d'une toile venant raccrocher les plats
     - recréer la continuité des gardes couleurs
     - restaurer au mieux le titre du livre au dos

Comme d'usage, on commence par couper une bande de toile de couleur appropriée (ici une toile  écrue), de hauteur H+4cm (H hauteur des cartons), de largeur l+3cm (l largeur du dos).


Ensuite, les cartons sont fendus dans l'épaisseur sur environ 10 mm de profondeur, comme le montre la photo 4. Cette opération est la clé de l'ouvrage, et doit être réalisée avec soin. Comme outil, on peut utiliser une baguette de bois taillée en forme de lame. Dans le cas présent, j'ai utilisé une "pointe" de reliure assez émoussée. Il est important que l'outil ne soit pas coupant en tête, ce qui exclut le scalpel ou une pointe trop bien affutée. Le carton doit s'écarter devant l'outil au fur et à mesure de son avancement, en profitant de sa structure en feuilles, sans être blessé par l'outil.

A un peu de colle plastique on a mélangé un peu de colle de pâte, de façon à en ralentir la prise. La photo 5 montre l'insertion à reflux de cette colle dans la fente du carton. Les débordements sont essuyés au fur et à mesure.

La photo 6 montre l'insertion de la toile dans la fente. On veillera à ce que la toile ne soit pas repliée à l'intérieur de la fente, et qu'elle retombe sans pli à l'extérieur. On serre ensuite cet ensemble quelques minutes dans un étau, en prenant soin d"essuyer les reflux de colle.


Les étapes suivantes sont évoquées par les photos 7 à 9.
Photo 7: on encolle la carton du soufflet sur lequel on rabat la bande de toile. On mesure soigneusement la largeur de la toile à conserver, que l'on recoupe ainsi.
Le raccrochage du second plat s'effectue de la même manière que pour le premier, et n'a pas été représenté en photos. On retrouvera le fendage du carton, encollage de la fente, insertion de la bande de toile dans la fente, puis serrage dans l'étau.
Les photos 8 et 9 illustrent deux difficultés hors du sujet de cet article. Photo 8: restaurer un coin "rongé" (cf. article du 8 Mai 2013). La photo 9 illustre la résolution d'un problème inattendu comme l'on en rencontre souvent en restauration. En se reportant à la photo 2, on observe des tâches de type inconnu que ni la gomme ni l'éponge ne résolvent de manière satisfaisante. Alors, on essaie...un peu tout ! ici c'est un ponçage profond qui a permis d'obtenir un résultat acceptable.


Les photos 10 à 12 montrent l'ouvrage fini. Le dos toilé est "rhabillé" d'un papier de la couleur la plus approchante. Le titre, décroûté de son ancien carton" puis recoupé à minima, est collé sur le dos. La photo 12 montre que la continuité des gardes collées a été rétablie.

En fin de cet article, il y a lieu de préciser les cas de contre-indication de la méthode. La méthode est inappropriée, (ou si l'on préfère présente des difficultés particulières) dans les 2 cas suivants:
      - les cartons n'ont pas une structure en feuilles. Ce peut être le cas de cartonnages modernes en particulier.
      - Les plats sont détachés du corps au départ. En effet, il est clair que par cette technique, une demi épaisseur du carton risque de rester visible, extérieure à l'habillage. On pourra y pallier de manière à peu près satisfaisante en prolongeant un peu le papier qui recouvre le dos.