dimanche 5 avril 2015

Restauration d'une BD

La restauration d'une BD est une opération qui a en général assez mauvaise réputation en raison de la structure un peu spéciale de l'ouvrage. La schéma ci-après montre la construction de la plupart des BD modernes, moyennant quelques variantes éventuelles.

Anatomie d'une BD

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Le faux-dos n'est pas directement lié au corps d'ouvrage, contrairement à l'habitude (habituellement le faux-dos est collé en lisière sur l'ouvrage). Il est constitué d'une bande de carton assez épaisse simplement collée sous la couverture en papier glacé. Le corps d'ouvrage, généralement formé de cahiers cousus (quelquefois un seul cahier) est collé par le fond sur une mousseline (quelquefois un carton souple) qui vient s'accrocher aux revers des deux plats. Les gardes couleurs, généralement porteuses de dessins spécifiques à la série, sont collées aux revers des plats, et retournent volantes sur le corps de l'ouvrage sauf un collage au niveau des mors sur une largeur de quelques millimètres.

Ce schéma justifie le point ordinairement faible des BD modernes. L'articulation des plats repose uniquement sur les papiers extérieurs (couverture en papier glacé) et intérieur (gardes-couleurs), et sur la mousseline. Ces éléments ont tôt fait de se déchirer et libèrent progressivement le dos, puis les plats. Par contre, le corps d'ouvrage, s'il n'a pas subi d'agressions particulières, reste généralement en état  correct.

Cette construction permet de comprendre les difficultés propres à une opération de restauration. On ne peut soulever la couverture de papier glacé pour y loger un renfort, sans d'importants dégats. On devra également conserver la continuité des gardes-couleurs, ce qui exclut une intervention par l'intérieur.

1. Projet de restauration

Dans l'exemple qui suit, on a choisi de respecter le schéma général de construction représenté plus haut. Cependant, afin de pallier à la fragilité habituelle des charnières, une bande de toile sera insérée au dos suivant la technique des "cartons fendus".




Les photos 1 à 4 montrent l'état initial de l'ouvrage. On voit que le dos a disparu (ph. 1 et 2), le 2ème plat s'est détaché (ph. 3). La photo 4 montre la garde-couleur du 1er plat, restée entière.












2. Préparation des plats


     Soulever les gardes-couleurs collées

On commence par séparer les différents éléments (ph. 5): corps d'ouvrage, plats, gardes-couleurs volantes. On soulève sur 15 mm de profondeur environ les gardes couleurs collées (ph. 6), généralement solidaires de la mousseline, de façon à dégager une rive continue au bord de chaque plat intérieur (ph. 7). Un ponçage de la surface de carton ainsi dégagée (ph. 8) puis un nettoyage du revers de la garde couleur (ph.9) sont souhaitables.

     Fendre les plats

La photo 10 ci-dessus illustre l'opération la plus délicate du processus. Il s'agit de fendre les plats, côté des mors, sur une profondeur d'au moins 10 mm. On peut réaliser cette opération à l'aide d'une lame de bois mince. Personnellement, j'utilise une pointe "fatiguée", donc non coupante. L'ouverture est réalisée à l'avancement, les feuillets devant s'écarter devant l'instrument sans être blessés. On réussit mieux en 2 passes dont la première est peu profonde. On positionnera la fente assez prêt du plat extérieur (sachant que la demi-tranche de ce côté du carton restera un peu visible), en évitant cependant de creuser directement sous le papier de couverture, sous peine de déformations visibles.

3. Construction de la couverture
    
    Collage d'une mousseline

On procède maintenant à la construction de la couverture. Pour des raisons pratiques, on choisit de monter la mousseline sur 2 bandes de papier Kraft.

La mousseline est coupée à la largeur du dos (ici env. 10 mm) augmentée de 5 cm. Les bandes de Kraft sont coupées à 2 cm (ph. 11). Les 3 pièces sont réunies par collage comme sur la photo 12, de façon à ménager entre les Krafts une largeur de mousseline libre égale à l'épaisseur du dos augmentée de l'épaisseur des plats (soit ici 13 mm env.)

Ce dispositif est utilisé pour réunir les 2 plats sont en le collant, côté mousseline, sur les 2 rives dégagées précédemment, tout en ménageant entre les plats l'espace de la mousseline laissé libre (ph. 13).
     Insertion du corps d'ouvrage

Avant d'insérer le corps d'ouvrage, on prépare les gardes-couleurs collées de façon à recevoir ultérieurement les gardes-couleurs volantes. On insère simplement 2 bandes de papier blanc (ou de couleur adaptée) d'environ 4cm (ph. 14 et 15) dans les rives des plats soulevées comme précédemment, donc débordant assez largement des plats. On referme ensuite par collage ces éléments de rive, bande de papier, sauf aux extrémités. La photo 16 montre l'ensemble fini où ces bandes de papier ont été repliées vers l'intérieur.

On nettoie ensuite (ph. 17) le dos du corps d'ouvrage. On peut enfin l'encoller puis l'insérer (ph. 18) dans sa couverture, en travaillant au plioir l'accrochage de l'ouvrage sur la mousseline.

4. Construction du dos

     Pose d'une toile de renfort

On coupe enfin une bande de toile suffisante pour couvrir largement le dos et les retours dans les plats (soit ici au moins 13+10+10 mm; on a coupé 50 mm). C'est la bande noire (a) sur la photo 21.
On prépare un mélange de colle flexible et de colle de pâte. Les photos 19 et 20 montrent l'introduction, avec un petit pinceau, de la colle dans la fente du premier plat.
On introduit ensuite la bande de toile dans cette fente à l'aide d'un petit plioir. Le résultat est montré sur la photo 21. On resserre l'ensemble à la main, éventuellement à l'étau, en essuyant les rejets de colle.

     Création d'un faux dos

Le faux-dos est constitué d'une bande de carton d'environ 15/10 d'épaisseur, de largeur égale à celle du dos de l'ouvrage fermé. On le colle au revers de la toile en veillant à ce qu'il se rabatte en position correcte sur le dos du livre (ph. 22).


En repliant le dos on peut alors recouper la toile à une largeur suffisante pouvant être introduite dans la fente du 2ème plat. On nourrit alors de colle la fente du 2ème plat, comme précédemment pour le premier (ph. 24), et comme précédemment, on introduit à fond la toile dans la fente à l'aide du petit plioir. On serre le tout à l'étau en essuyant les rejets de colle (ph. 25).

5. Coiffes et gardes-couleurs

On traite ensuite les coiffes en les rabattant de manière usuelle sur l'intérieur du faux-dos et les revers des plats, à l'aide de colle mélangée (ph. 26 et 27).

Pour les gardes-couleurs, on recoupe les bandes de papier blanc qui ont été ménagées  pour les recevoir (§ 3) , à environ 10 mm de largeur (ph. 28 et 29). Puis on colle les gardes couleurs volantes sur ces bandes.

Enfin on colle cet ensemble sur la première page d'ouvrage sur une largeur de quelques mm, en maintenant le livre ouvert à 60 degrés comme il est d'usage (ph. 30).





6. Finitions

Les photos 31, 32 et 33 montrent l'état de l'ouvrage au point où nous en sommes.

On termine par quelques retouches de couleur sur les plats, et à la jonction des gardes-couleurs volantes aux gardes-couleurs fixes.

Le dos est enfin recouvert d'une bande de papier réalisée sur imprimante, enveloppant entièrement la toile, comportant auteur et titre du volume (ph. 34). Coupée avec précision, cette bande de papier peut également couvrir les champs restés (très légèrement visibles) des cartonnages.



8 commentaires:

  1. bonjour , est ce de la colle amidon que vous avez utilise ?

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  2. Réponse (toujours un peu tardive)
    perso, pour la colle lente, je me contente de colle de pâte (farine); jamais eu de problème avec. D'une manière générale, le principe est le suivant: colle lente (farine ou amidon) pour tout ce qui touche au document d'origine (principe de réversibilité), colle libre (lente ou chimique) ailleurs. Cependant, pour quelques phases particulières, comme ici l'insertion de la toile dans les fentes, on devra recourir au mélange colle-chimique+colle-lente (faisant ralentisseur de prise)pour la solidité de la reconstruction.

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  3. Bonjour
    Avez-vous une astuce particulière pour décoller les gardes couleurs du carton (tylose....) ?

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    1. Réponse tardive, je sais. Perso, je ne m'y risque pas, c'est trop dangereux. Il semble que certains le font. Je préfère laisser la garde collée; s'il faut faire la jonction avec la garde volante, comme en général, j'ai dû fendre le carton (pour la couvrure), je profite de cette fente pour passer (en plus de la toile pour le dos) un papier de jonction. Noter que j'utilise aussi des photocopies des gardes-couleurs pour compléter les manques (c'est pas très catholique, mais enfin !!...)

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  4. bonjour,
    et pour nettoyer les 1er et 4èmes plats et les dos?

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  5. Bonjour
    Avez-vous une astuce pour nettoyer l'oxydation du papier créée par un ancien scotch de protection sur les pages de garde ?
    Merci.

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  6. bonjour
    personnellement, j'utilise du produit de décollage des étiquettes (type "décolle étiquette" ou "Détache et décolle tout" de STARWAX... pas de marque préférentielle, c'est celle du magasin de bricolage d'à côté). Le produit a une forte odeur et est un peu gras, mais cela supprime les traces de colle sur les couvertures de BD papier glacé, voir même quelques traces de saleté accumuler avec le temps. Attention cependant d'éviter les endroit trop abimé (déchirure pour ne pas que le produit imbibe le carton). sur les traces de scotch, d'étiquette de vente, ou même du coup de marqueur pour cacher un prix d'un cadeau, c'est impeccable. Utilisé avec un coton, mouchoir en papier ou essui tout.

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  7. Un chiffon imbibé d'huile pour décoller une étiquette et enlever la colle sur les couvertures.Ensuite un peu d'alcool pour nettoyer.

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