Les mouillures des pages d''un livre sont à ce point disgracieuses qu'elles donnent le plus souvent envie de passer l'ouvrage à la poubelle. Les solutions pour y pallier sont peu nombreuses. En plus il y le souci de la réversibilité (en principe, une restauration doit pouvoir être neutralisée de façon à retourner à l'état primitif). Les solutions habituellement proposées sont les suivantes:
- le lavage en eau claire. Il exige le débrochage de l'ouvrage. La solution respecte la réversibilité. Mais le résultat est souvent décevant.
- le lavage en solution chlorée (eau de Javel). Pas toujours aussi efficace que l'on croit. Atteint le papier dans sa structure. Méthode généralement déconseillée. Exige le débrochage de l'ouvrage. Solution considérée comme non réversible.
- Ne rien faire. Méthode fortement conseillée qui ne détériore absolument pas l'ouvrage. Respecte la réversibilité. Mais méthode qui ne calme pas l'envie de passer l'ouvrage à la poubelle.
...et c'est tout !
La méthode que je propose m'a donné un résultat satisfaisant. Cependant, il ne faut pas oublier que toute méthode de restauration ne vaut que pour un cas, un papier, un problème, un état de conservation donnés. Il n'y a pas de solution universelle. Au mieux une méthode peut être utilisée après une mise au point soignée sur un cas test. Au pire, elle ne convient pas pour le cas traité.
La méthode que j'ai employée ne nécessite pas le débrochage de l'ouvrage. Je la qualifie de quasi-réversible; on verra pourquoi. Elle nécessite le matériel suivant: un crayon de couleur-aquarelle blanc (crayon que l'on peut mouiller et permet de peindre. On en trouve sous la marque "stabilo" ou d'autres), un morceau de papier de verre fin (type utilisé en reliure), des pastels secs de couleurs blanche, ocre et marron, un tissu doux ou un sopalin. La technique est résumée par les 5 photos ci-après.
1. On aperçoit la mouillure. Elle comporte en général une bordure nettement marquée (auréole). On ponce légèrement cette bordure, ce qui a pour effet d'ôter le glaçage superficiel de la feuille.
2. On colore cette bordure au crayon blanc mouillé, en évitant toutefois un apport d'eau excessif pour ne pas créer de nouvelle auréole. Personnellement, je trempe la mine dans un récipient d'eau puis je l'essore en la glissant sur une éponge. Insister, la bordure doit être invisible sous la couleur. Le crayon permet de passer même entre les lignes de texte, voire les mots ou les lettres.
3. Après séchage, on ponce doucement le crayonnage blanc. La brillance du crayon doit disparaître. Si l'on ponce trop, on risque de voir réapparaître l'auréole. Sur les zones avec texte, on poncera en tirant une seule fois le papier de verre appuyé sur la feuille. Le texte ne sera pas atteint.
4. On applique très largement un pastel blanc, puis un zig-zag de pastel ocre, enfin quelques points de pastel marron. La pratique apprendra à doser les couleurs, suivant le papier, son état, etc...
5 On essuie doucement la zone avec le tissu doux. La mouillure a quasiment disparu.
L'opération peut être reprise tant que l'on n'est pas satisfait,
mais il ne faut pas oublier qu'en restauration, le mieux est souvent
l'ennemi du bien. Enfin si l'on est intransigeant, je conseille d'acheter des livres neufs, et surtout de ne pas les mouiller.
Une mouillure se retrouve nécessairement sur les deux faces de la page. On
attendra la fin de l'opération précédente (surtout le séchage), avant
d'attaquer le revers.
Je qualifie la méthode de quasi-réversible, en raison des ponçages légers 1 et 3. Quant au crayon-aquarelle, je ne sais pas... Globalement, je pense que la méthode dégrade peu le support.
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